mercredi 21 janvier 2015

L'apologie contre le terrorisme ?


Apologie, que recouvre ce terme ?
L‘apologie, c’est faire l’éloge d’une infraction et/ou de son auteur.
Le législateur connaît cette notion depuis des décennies.
Il y a dans l’apologie l’idée d’approuver l’acte délictuel et la volonté d’admiration de son auteur.
L’apologie peut être considérée comme une complicité a posteriori et une invitation à suivre l’exemple de son auteur.
Une complicité a posteriori.
Dans son Traité de Droit Pénal Spécial, Monsieur VITU indiquait :
 « alors que la provocation tend à obtenir la commission d’un acte délictueux, l’apologie ne cherche pas à atteindre ce but, elle n’agit qu’indirectement, en jetant dans le public les germes d’une dégradation grave du sens moral ou civique – troubler les esprits. ». Et l’évocation des différents attentats qu’a connu le pays par l’éminent pénaliste.
Traité de Droit Criminel. Droit Pénal Spécial par André VITU Editions CUJAS.
Le droit commun de l’apologie, c’était l’article 24 de la loi de 1881.
L’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 avait permis une application souple du délit d’apologie.
Un exemple sur l’apologie de crimes de guerre :
« l’article 24 alinéa 3 s’applique à l’apologie de la torture ou à des exécutions sommaires pratiquées à l’occasion d’un conflit armé, tel la Guerre d’Algérie.
Un écrit qui présente comme susceptible d’être justifiés des actes consécutifs de crimes de guerre sont considérés comme apologétiques et l’intention coupable se déduit du caractère volontaire des agissements délictueux.
Celui qui se réclame du droit à l’information fondement de la liberté n’est pas tenu d’assortir les faits qu’il rapporte de commentaires justificatifs des actes contraires à la dignité humaine ni de glorifier l’auteur de ces actes ».
Cass Crim 7 décembre 2004 – 03-82-832
Après s’être intéressé à la répression des provocations verbales, des mots porteurs de haine, le législateur a focalisé toute son attention sur le terrorisme.
Le Titre II du Livre IV du Code pénal qui a trait «  aux délits contre la nation et la paix publique » intéresse le terrorisme.
L’article 421-1 du Code pénal le définit.
L’objet de notre modeste étude est le délit d’apologie du terrorisme tel qu’issu de la loi du 13 novembre 2014, loi Cazeneuve, et qui est prévu par l’article 421-2-5 du Code pénal.
L’article 421-2-5 du Code pénal est rédigé comme suit :
« le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende.
Les peines sont portées à 7 ans d’emprisonnement et à 100000 euros d’amende lorsque ces faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne… »
Novembre 2014. 
Janvier 2015. Les attentats à PARIS et l'infraction d'apologie fait une entrée remarquée dans les prétoires. La procédure de comparution immédiate voit déferler de jeunes gens aux propos apologétiques. 
Amnesty International pense abus, dérives. Donne le nombre de poursuites depuis les attentats, 69 pousuites diligentées pour apologie de terrorisme. 
Le Syndicat de la Magistrature s'émeut de la multiplication des poursuites et des dérives possibles. 
Le 15 janvier 2015, comparution immédiate devant le Tribunal Correctionnel de PARIS pour apologie de terrorisme. 
Un certain Oussama comparaît. 
Le 13 janvier précédent, conduit à l'hopital, cette personne s'en prend au personnel soignant et aux policiers. 
Il crie les phrases suivantes : 
"Les frères Kouachi ont raison, je les soutiens. Je vais mettre une bombe aux Champs Elysées". 
Au médecin, une femme, il dit "tu as les yeux bleus, tu es juive, Hitler n'a pas fini son travail, je reviendrai te tuer". 
Etc. 
Le Tribunal le condamne à une peine de 15 mois d'emprisonnement avec mandat de dépôt. 
Dans le cadre de cette affaire, le Procureur avait indiqué : "soit il est complètement fou, soit il est dangereux". 
Bien entendu, il n'y avait pas d'expertise psychiatrique au dossier. Rien sur la personnalité. 
Devant une autre chambre, un autre prévenu qui s'autoproclamait Ben Laden. Expertise psychiatrique. "Vous ne comprenez rien et vous dites n'importe quoi". 
Jugement : trois mois d'emprisonnement et mandat de dépôt. 
D'autres prévenus souffrant de déficience mentale ont été condamnés. Une personne par le Tribunal Correctionnel de Bourgoin Jallieu ( Isère ). Il avait dit : "Ils ont tué Charlie moi j'ai bien rigolé". 
La Chancellerie a invité les magistrats à être réactifs et fermes.
Circulaire du 12 janvier 2015. 
Le nouveau délit d'apologie du terrorisme, définition vague, procédure vague à l'encontre de personnes pouvant souffrir de pathologies mentales. 
"Le risque est grand que ces arrestations violent la liberté d'expression. La liberté d'expression ne doit pas être réservée à certains. L'heure n'est pas à l'ouverture de procédures inspirées par des réactions à chaud, mais bien plutôt à la mise en place de mesures réfléchies qui protègent des vies et respectent les droits de tous" rapporte Amnesty International. 
Après les attentats de Charlie Hebdo et de la rue de Vincennes, on en sait un peu plus sur les frères Kaouchi et leur complice. Sur les effets de l'incarcération. Sur la radicalisation de certains jeunes en détention. 
Les peines infligées à ces personnes auront-elles pour effet de les amender ou de les radicaliser pour être ensuite autre chose que des auteurs d'apologie ?
La réaction judiciaire d'aujourd'hui peut être contre productive. 
La légalité des délits et des peines, l'autorité judiciaire gardienne des libertés ne doivent pas devenir de simples mots mis côté à côté comme ceux que l'on peut lire sur les frontons des édifices de la République. 
Pour finir. Ce matin j'évoquais avec un Client le cas de son neveu incarcéré dans un centre de détention où il finit sa peine. J'avais défendu ce jeune à deux reprises devant le Tribunal Correctionnel de TOURS. Il y a quelques années, il se prénommait Romain. Aujourd'hui, pendant son séjour en prison, il a changé de prénom et de religion.
Emmanuel GONZALEZ 

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